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Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa

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Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa Empty Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa

Message par Mathilde Mar Fév 04 2014, 16:32

Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa

Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa Mobutu10

Le peuple congolais a le droit de connaître, dans le moindre détail, sans ajout ni retrait, tous les faits liés à son «Histoire» passée, présente et à venir. S’agissant singulièrement de son passé, il se trouve des individus visiblement décidés à falsifier des pages pourtant infalsifiables de l’histoire nationale.

C’est dans le souci de replacer les faits dans leur vrai contexte que «Le Phare» s’est résolu à mettre le holà à l’entreprise de tripatouillage des «vérités» historiques. Compte tenu des circonstances et des attentes actuelles des millions de compatriotes, les pages d’histoire ainsi rouvertes ont eu pour point de départ l’assassinat de Lumumba, Mpolo et Okito. Et la restitution de la longue série des crimes politiques qu’a connus le pays depuis les années 60 va se poursuivre jusqu’à l’épuisement total des archives à la portée du quotidien de l’avenue Lukusa. Sa démarche ne vise qu’un objectif : amener les générations présentes et futures à connaître leur «Histoire», la vraie.

I. Les victimes

Plus ou moins 50 morts, tués par balles : étudiants de l’Université Lovanium et des Instituts supérieurs de Kinshasa, élèves et badauds de la ville dont les étudiants :

- Mwamba Symphorien

- Mwamba-Jean Marie

- Konde Albert

- Bayenekene Jean-Oscar

- Mukundi Mathias

- Kazadi Raphaël

- Epembe Martin

- Kakumbala Irénée

- Kabulu Alidor

- Moyembe Jean-Marie

- Bendafe Albert

- Lukongo Marcel

- Bukamba Jean-Marie


- A la rentrée académique, Lovanium avait déploré la disparition de 14 étudiants.

- Il y eut également plusieurs blessés et des étudiants fait prisonniers et torturés physiquement.


II. Les plaignants

Votre commission s’est penchée sur les massacres du 4 juin 1969 sur base du rapport de la Commission de l’ordre du jour en annexe I et II.

- des plaintes des parents d’étudiants dont :

1) Des plaintes des conférenciers Ilomba et Kumakamba au sujet de l’assassinat de l’étudiant Bukamba ;

2) La plainte de monsieur Lelo Nzuki Jean au sujet de l’étudiant Konde Albert ;

3) La plainte des messieurs Kalala Mwana-Ndibu et Patrick Kayembe Muana, portant sur l’assassinat de l’étudiant Kabulu Alidor ;

4) La plainte de la famille Mongo sur l’assassinat de l’étudiant Epembe Martin.

- Les brimades dont cette famille fut l’objet pour avoir cherché à connaître le lieu de sépulture de son fils. La mère du disparu qui avait osé adresser une lettre au président de la république dans ce sens en 1975 dut payer une amende de 15.000Z au CND pour crime de lèse-majesté.

III. Les faits incriminés

1. Les étudiants de l’Université Lovanium et des Instituts supérieurs de Kinshasa organisent une manifestation pacifique le 4 juin 1969 pour protester contre la dénonciation par le Gouvernement de la « Charte de Goma » et pour l’amélioration de leurs conditions matérielles (augmentation de la bourse d’études).

La manifestation est réprimée avec férocité par l’Armée. Jusqu’à ce jour, le nombre de victimes n’est pas encore connu avec précision. Officiellement, le bilan fut de 8 tués tandis que certaines sources parlent de 49 morts.

Les corps des victimes ne furent pas rendus aux familles et le lieu de leur inhumation reste connu des seuls bourreaux
.

2. La répression de la manifestation fut suivie de l’arrestation des étudiants meneurs, de leur jugement et de leurs condamnations à de lourdes peines. L’université et les instituts supérieurs furent fermés et les étudiants évacués dans leurs milieux d’origine.

IV. L’analyse des faits

1. Les témoins


01. Monsieur Kandolo, ex-président de l’AGEL (Association Générale des Etudiants de Lovanium)

02. Monsieur Shematsi Baho, ex-président du mouvement des Etudiants de l’ENDA

03. Monsieur Jean-Baptiste Sondji, ancien étudiant en médecine ;

04. Monsieur Tshinkuela, ancien étudiant en droit ;

05. Monsieur Joseph Nsinga Udjuu, ancien ministre de l’Intérieur ;

06. Monsieur Losembe Batwanyele, ancien ministre de l’Education nationale

07. Monsieur Loango, ancien ministre de la Justice ;

08. Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba, ancien ministre du Plan ;

09. Monsieur Léon Lobitsch Kengo wa Dondo, ancien Procureur général de la République ;

10. Monsieur Angelete Galendji, ancien Avocat général de la République ;

11. Monsieur Michel Mokuba, ancien Procureur de la République

12. Monsieur Georges Bienga, magistrat instructeur et ministère public au procès ;

13. Le général Mika Mpeke, chargé de Sécurité, détaché à la Présidence de la République ;

14. Monsieur Edouard Mokolo wa Mpombo, assistant de recherche à Lovanium ;

15. Monsieur Jean Seti Yale, ancien étudiant à Lovanium ;

16. Monseigneur Tharcisse Tshibangu, ancien Recteur de l’Université Lovanium ;

17. Major Lisumbu.

Ensuite, la Commission a cherché à connaître les raisons d’organisation d’une manifestation par les étudiants, les mobiles du caractère brutal de la répression et la finalité du procès fait contre les meneurs.

A) La manifestation

La manifestation, selon les dirigeants des associations estudiantines de l’époque, fut dictée par le non respect des engagements et le refus du dialogue de la part des autorités.

1. Les revendications des étudiants

Les étudiants réclamaient :

- une réforme de l’enseignement supérieur pour rendre l’université, demeurée coloniale, plus indépendante des universités belges, en l’occurrence, de l’Université de Louvain.


Cette vieille revendication fut amplifiée par le mouvement de « Mai 1968 » en France et explosa en 1969 au Congo.

- l’amélioration de leurs conditions de vie.


2) L’attitude des autorités

Face à ces revendications, les autorités commencèrent par engager le dialogue. Le président de la République décida qu’une réunion de concertation devait réunir le Gouvernement, les autorités académiques et les étudiants à Goma.

De cette rencontre, sortirent les accords appelés : « La Charte de Goma » qui consacraient le principe de « cogestion » des universités et instituts supérieurs. Bien que satisfaits à moitié, les étudiants acceptèrent, pour la majorité d’entre eux, ce compromis comme premier acquis.

Cependant, « la Charte de Goma » selon les dirigeant interrogés par votre Commission, fut critiqué d’abord par les évêques et rejetés, suite, par le Bureau politique du Mouvement Populaire de la Révolution. Monsieur Alphonse-Kithima, ministre de l’Education nationale et négociateur des accords de Goma, fut limogé et remplacé par monsieur Mario Cardoso.

Dès lors, toutes les tentatives de reprise du dialogue avec les autorités académiques, le Gouvernement ou le président de la république se heurtèrent à un refus catégorique de la part du pouvoir.

3. La marche et sa répression

Les étudiants de l’université et des instituts supérieurs s’organisent en un « conseil des étudiants de Kinshasa » (CEK) pour défendre leurs intérêts, devant le refus du dialogue des autorités de l’Etat.

Ils décident d’organiser une manifestation pacifique le 4 juin 1969. De la gare centrale, point de ralliement, ils partiraient en cortège au ministère de l’Education nationale où ils liraient une déclaration avant de se disperser.

Mais, quelle ne fut pas leur grande surprise lorsqu’ils se heurtèrent à plusieurs barrages dressés par des forces armées sur le pied de guerre. Au rond-point Gillon (Ngaba), au croisement Kapela-Université, au rond-point Tribune africaine (Bongolo), à la Place Victoire, devant la Grand-Poste et à la Gare centrale, les militaires avaient déjà pris position et se mirent à arroser les manifestants des balles réelles, sans sommation.

Tombèrent sous les balles des soldats, non seulement les étudiants, mais les élèves, les écoliers et les badauds qui s’étaient mêlés à eux.

De l’aveu des témoins, il faut reconnaître que, si l’hécatombe ne s’est pas traduite en carnage, cela est dû au bon sens de certains militaires qui, désobéissant à leurs chefs, tiraient en l’air.

Le nombre des victimes n’a pas pu être déterminé avec exactitude. Les sources officielles avaient parlé à l’époque de 8 morts par balles. Monsieur Kengo wa Dondo, Procureur  Général de la République a avancé le chiffre de 40 tués à votre Commission. Quant aux dirigeants des mouvements étudiants, ils ont estimé le nombre à 50.

Les raisons de cette imprécision sont dues au sort réservé aux morts. Les corps furent enlevés par les militaires, les morgues interdites de visite. Le cardinal Malula se fit refouler de l’Hôpital général où il s’était rendu visiter les morts et les blessés. Le lieu d’enterrement est demeuré inconnu jusqu’à ce jour : aucun des acteurs interrogés n’ayant accepté de le révéler.

Les étudiants blessés auraient pu mourir faute de soins, n’eut été la bravoure de leurs camarades qui ont réquisitionné des véhicules pour les amener aux Cliniques Universitaires et à l’Hôpital général (Mama Yemo).

Une chasse à l’étudiant fut organisée à travers la ville. Ceux des étudiants qui étaient arrêtés furent conduits au camp Kokolo, au milieu des cadavres de leurs collègues.

B) Le procès

Les étudiants appréhendés furent conduits au cachot du camp Kokolo et puis à celui du Parquet de Kalamu, avant d’être transférés à la prison de Ndolo sur l’intervention du cardinal Malula.

Sur les conditions de détention, voici ce que déclare monsieur Kandolo, président de l’AGEL : « après mon arrestation, j’ai été mis dans un cachot à côté de celui d’Angwalima ». Un matin, on viendra nous chercher pour le cachot de Kalamu. C’est là que je recevrai les premiers soins de mes blessures. Dans ce cachot de Kalamu, nous y seront filles et garçons, ensemble et faisions nos besoins dedans… A Ndolo, nous avons été placés dans la cellule des prisonniers politiques ».

De l’aveu du magistrat instructeur, les interrogatoires se faisaient débout, des jours et des nuits, avant que lui-même, monsieur Bienga, ne soit chargé du dossier.

Au camp Kokolo, ils avaient été interrogés par le colonel Efomi, chef de la Sûreté, le major Mika, son adjoint, et par monsieur Kengo wa Dondo, Procureur général de la République.

Seuls trente-cinq étudiants comparurent devant le tribunal.

Les chefs d’accusation avancés contre eux étaient : l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Sur injonction du Procureur général de la République, la prévention d’intelligence avec des puissances ennemies fut ajoutée après que l’affaire ait été déjà fixée. On fit croire que les étudiants étaient en contact avec les Chinois présents au Congo-Brazzaville. Un faux témoin, un certain Ekwalanga, prétendit avoir assisté à des réunions de l’AGEL au Home 10 avec des militaires et des politiciens et que ces derniers auraient remis des armes aux étudiants.

La grossièreté du mensonge était telle qu’elle rebuta le Procureur général de la République lui-même. Comme le mensonge qui consistait à faire croire que le cardinal Malula aurait dénoncé les étudiants pour port d’armes ou pour les contacts avec les Chinois et le désir d’installer le communisme au pays.

Les inculpés furent conduits à la première audience du Tribunal de première instance de Kinshasa sans assignation, devant la presse internationale invitée à cette occasion. Après quelques audiences, l’affaire fut prise en délibérée. Mais, à la surprise générale, c’est par la radio que les infortunés apprendront, dans leurs cellules, le verdict qui les condamnait jusqu’à 20 ans de prison.

Cette dernière peine frappait monsieur Kandolo, Shematsi, Mazyumba et madame Alice Makanda Kabobi.

Ils seront libérés le 14 octobre 1969 à l’occasion de l’anniversaire du président Mobutu.

V. Avis et considérations

1. Reniement des engagements


Votre Commission est frappée par la facilité avec laquelle le pouvoir de la Deuxième République renie ses engagements. Ce comportement indigne d’Homme d’Etat, a été stigmatisé dans l’affaire Mulele, traitée ci-haut.

Dans le cas présent, c’est le Président de la République lui-même qui, au cours d’une audience avec les étudiants, a chargé son ministre de négocier et de signer la Charte de Goma. Il sera le premier à dénoncer ladite Charte et à désavouer son ministre, comme il avait dénoncé les accords de Brazzaville et désavoué le ministre des Affaires étrangères, monsieur Justin-Marie Bomboko.

2. La préméditation


Il s’est dégagé, de l’audition de divers témoins, que le pouvoir était animé d’une volonté criminelle d’écraser le mouvement estudiantin pour des raisons que votre Commission a invoquées plus haut.

Plusieurs faits corroborent cette affirmation et l’expliquent :

1) après l’élimination des politiciens, le refus des étudiants de s’embrigader dans la Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution faisait d’eux le bastion de l’opposition au nouveau régime ;

2°) Les dirigeants des mouvements estudiantins, monsieur Kandolo pour l’AGEL et monsieur Shematsi pour l’ENDA, ont affirmé devant votre Commission avoir tenté, à plusieurs reprises, d’entrer en contact avec le Président de la république, le ministère de l’Education ou les autorités académiques, mais en vain.

           Les lettres annonçant la manifestation ne reçurent aucune réponse.

3) le quadrillage des milieux estudiantins par les services de sécurité, les informateurs et indicateurs pullulaient sur les campus et étaient manipulés par le chef de la Sécurité présidentielle, le major Mika. Voici, à ce propos, les aveux du général Mika à votre Commission au sujet d’une indicatrice :

Q. : Connaissez-vous une étudiante d’origine belge nommée Alice Stordiau ?

R. : Oui. C’était ma femme parce que j’étais connu par ses parents.

Q. : Donc, cette fille constituait votre antenne au campus pour vous permettre de suivre tous les mouvements des étudiants ?

R. : Oui. Grâce à elle, j’étais au courant de la situation au campus. C’était normal parce qu’elle pouvait me parler à tout moment.

           Il fut trouvé sur mademoiselle Alice, un émetteur que le général Mika dit avoir été un simple enregistreur.

           En dehors des réseaux des informateurs, le pouvoir se servait d’une association rivale à l’AGEL, l’AGELCOL, dont la plupart des membres s’affiieront à la Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution.

4°) le dossier « étudiant » était géré par le président lui-même et par les services de sécurité. Et pourtant, bien que largement informée, l’autorité n’a rien fait pour rétablir un climat de sécurité dans le milieu estudiantin.

           Au contraire, elle a entretenu l’agitation par le refus du dialogue et la propagation des faux bruits, tels que les étudiants voulaient prendre le ministère de l’Education en otage et obliger le président à la démission.

5°) l’utilisation de l’armée, au lieu de la police, monsieur Nsinga Udjuu, alors ministre de l’Intérieur, affirme qu’il n’y avait pas débordement et que la Police était suffisamment équipée, avec sa brigade mobile, pour canaliser les manifestations.

           Interrogé par votre Commission, le major Lisumbu, commandant du 1er bataillon PM au moment des faits, affirme qu’il n’y avait pas eu de réquisition et que l’ordre lui fut donné directement par le général Bobozo d’empêcher aux étudiants de descendre en ville en déployant les troupes.

           Quant à son rôle exact dans la répression, le major Lisumbu a dit avoir mis les dispositions en place aux lieux stratégiques. Il aurait visité ces lieux avant les heurts et c’est de son quartier général du camp Kokolo qu’il a dirigé les opérations. C’est au procès qui lui fut intenté qu’il apprendra qu’il y a eu des morts. Le recours aux gendarmes et aux hommes fortement armés présageait déjà la mauvaise volonté du pouvoir. L’usage des armes à feu sans sommation, comme l’ordre de tirer donné par un commandant à la Place de la Victoire, constitue des faits accablants d’une volonté meurtrière préméditée.

6°) la présence constante du major Mika sur les lieux du drame a troublé votre Commission. L’officier précité exerçait, à l’époque, le rôle de chef de Sécurité rapprochée du chef de l’Etat. Nous avons eu à stigmatiser les réseaux de sécurité qu’il entretenait aux campus.

Le 4 juin, le major Mika fut aperçu par plusieurs témoins sur les lieux de fusillade. Interrogé, il a répondu : « j’étais à 100 ou 150 mètres des endroits où il y a eu tir des coups de feu, c’est-à-dire à la Maison Blanche à Yolo et devant l’Hôtel de Ville ». Il affirme qu’il y était à titre d’observateur.

7°) la main étrangère ne fut pas du côté où il disait, c’est-à-dire des étudiants, mais en face. Dans sa déposition devant votre Commission, monsieur Kandolo révèle qu’il eut en prison une visite d’un membre de l’ambassade américaine qui lui demanda s’il était communiste. Il répondit qu’il était nationaliste.

8°) le procès fut truffé d’irrégularités dont :


- La réquisition du magistrat instructeur. Celui-ci  écrit : « mais, une semaine après, je reçus, à l’Office du Parquet de district de Kinshasa que je dirigeais, la visite de monsieur Kengo wa Dondo, alors Procureur général de la République, qui vint me signifier la volonté de monsieur le Président de la République de voir m’occuper du dossier en cause » (cfr. Le mémoire de monsieur Bienga, p. 1). Cette sollicitude était due au service qu’il venait de rendre dans l’affaire Massamba « New Man ».

- le même magistrat se plaint des injonctions reçues de la part du Procureur Général de la République, en particulier, la jonction de la prévention d’intelligence avec une puissance ennemie, la réquisition de la peine de mort et le recours au sérum de vérité.

           Monsieur Bienga aurait rejeté cette dernière méthode.

           Monsieur Kengo a nié les faits et déclare avoir seulement encadré les jeunes magistrats dans cette affaire.


- la comparution des prévenus sans assignation, le verdict rendu et sur simple dispositif en l’absence des intéressés indiquent à la fois la précipitation et la détermination à punir ceux qui étaient condamnés d’avance.

9°) l’interdiction des associations libres des étudiants, l’AGEL et l’UGEC, et l’enrôlement des étudiants à la Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution soulignent le but poursuivi : museler l’opposition estudiantine.

VI. Zone d’ombres

1. Le nombre des victimes et le lieu d’inhumation demeurent inconnus. Aucune des sources contactées ne nous a rassurés sur ces faits.

           A la question de savoir ce qu’on a fait des morts, où les avez-vous enterré ? Seul le ministre Cardoso a répondu : « je pense qu’ils étaient enterrés à Kinsuka par les militaires », sans autre précision.

2. Le refus des témoins capitaux de répondre à l’invitation de la Commission. Il s’agit de :

- Président de la république, monsieur Mobutu ;

- Colonel Efomi, alors Administrateur en chef de la Sûreté ;

- Monsieur Geyero-te-Kule, ex-Paul Nauellarts, ancien gouverneur de la ville de Kinshasa.


           Le témoignage de tous ces personnages s’avère important pour votre Commission.

VII. Responsabilités

           Comme pour tous les dossiers d’assassinats, de complots montés de toutes pièces, d’enlèvements et de disparations de plusieurs personnes durant la période de 1965 à 1971, le Président de la République était animé d’une seule hantise : toute poche de résistance à son régime devait être nettoyée, tout leader politique qui ne lui devait pas allégeance devait disparaître.

           Le président de la république qui a cautionné la rencontre de Goma renie tout ce qui est sorti de cette rencontre. Il limoge son ministre Kithima et dénonce la Charte de Goma. S’attend-il à une réaction de la part des étudiants ? Ses services infestent le milieu estudiantin de mouchards pour que le pouvoir ne soit pas pris au dépourvu.

           Un silence royal est opposé aux sollicitations des étudiants qui cherchent à le rencontrer pour renouer le dialogue. Le pire du drame, les étudiants descendent pacifiquement. Ils ne tombent pas sur les forces de police ordinaire qui, à cette époque, sont très bien équipées, mais plutôt sur les forces armées régulières qui n’hésitent pas à faire usage de leurs armes. On sent que dans le chef du pouvoir, il régnait, à cette époque, une volonté inébranlable de châtier par la mort le milieu estudiantin, de casser l’élan contestataire qui subsistait encore dans les universités et les instituts supérieurs.  Ceci est d’autant plus vrai qu’aucun des militaires qui ont tiré sur des jeunes gens n’a pas été inquiété.

           En ce qui concerne le major Mika, sa complicité dans cet odieux crime ne fait l’ombre d’aucun doute. C’est lui qui gère le dossier étudiant au niveau de la Présidence de la République. Il entretient des mouchards. Il reconnait lui-même avoir été à tous les endroits où il y a fusillade et nous nous disons sûrement pour se rendre compte de l’exécution à la lettre de la consigne qui avait été donnée, c’est-à-dire : tirer…

           Pour ce qui est du colonel Efomi, votre Commission se réserve d’émettre un avis car le colonel n’a pas encore présenté ses moyens de défense malgré nos nombreuses invitations.

           Le général Bobozo est responsable pour avoir engagé des troupes armées contre des manifestants sans armes.

VIII. Recommandations

           Des jeunes-gens, à la fleur de l’âge, sans armes, ont été fauchés le 4 juin 1969 par les balles d’une armée qui était censée les protéger.

           Avaient-ils réellement l’intention de renverser les institutions en place comme il leur a été reproché par la suite ? Rien ne permet de le penser, dans l’audition des témoins.

           Pour votre Commission, ces jeunes-gens sont morts pour la défense de leurs droits : droit à une vie décente, droit à une saine instruction ; ils sont morts pour un idéal de liberté, de démocratie et de respect de la parole donnée.

           Les parents des victimes, pour la plupart, par peur de représailles, n’ont même pas organisé le deuil en mémoire de leurs chers enfants. C’est pour ces raisons que votre Commission recommande :


1. Qu’en mémoire des étudiants tombés, que la date du 4 juin soit déclarée chômée et payée sur toute l’étendue du pays ;

2. que le président de la république, les services de Sûreté et l’Armée restituent aux parents des victimes les corps des défunts afin qu’une sépulture et un deuil dignes leur soient organisés ;

3. que les parents des victimes du 4 juin soient honorés par toute la nation par une haute distinction dans les ordres nationaux et qu’une indemnisation substantielle leur soit versée par le Gouvernement ;

4. que les auteurs de ce crime et tous les complices soient traduits en justice,

5. que les auteurs de ce crime soient interdits d’accéder aux fonctions politiques pendant au moins deux législatures.


Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa Procas11
Cette photo d’archives montre les dirigeants estudiantins devant  la Cour de Sûreté de l’Etat à la Place Assanef. On remarque notamment François Kandolo (à l’avant-plan, avec une barbe qui atteste le nombre de jours déjà passés en détention), président de l’Association Générale des Etudiants de Lovanium (AGEL) aujourd’hui décédé.
Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa Gare-c10
Une vue de la Gare Centrale sur le boulevard du 30 Juin, lieu de ralliement de tous les étudiants de Kinshasa et  point de  départ de la marche du 04 juin 1969.

Congo-Zaïre, l’empire du crime permanent : le massacre des étudiants de Kinshasa Place-10
. Alors qu’ils marchaient en direction de la Gare Centrale pour rejoindre leurs camarades des Instituts supérieurs de la capitale (Ecole Nationale de Droit et d’Administration, Institut Supérieur des Bâtiments et des Travaux Publics, Académie des Beaux-Arts, Institut National des Arts, Institut Pédagogique National, Régence du Lycée du Sacré-Coeur,  Institut Supérieur de Commerce), les étudiants de Lovanium ont été attaqués à balles réelles à deux reprises à Yolo (à hauteur des avenues Kapela et Bongolo). Constatant leur bravoure, et surtout leur détermination à atteindre coûte que coûte le point de ralliement, l’armée a ouvert le feu pour la troisième fois en utilisant à la fois des grenades offensives et des armes lourdes sur l’avenue  Kasa-Vubu, à l’approche du Rond-point Victoire. Le massacre aurait pu être d’une ampleur historique si les étudiants chargés de l’encadrement n’avaient pas lancé  le mot d’ordre : «Camarades, à terre !». C’est grâce à ce mot d’ordre que les étudiants se sont mis à ramper pour échapper aux balles à la grande stupéfaction des chefs militaires qui s’imaginaient qu’un tel réflexe ne pouvait s’apprendre qu’à l’armée ou dans un maquis.

http://www.lephareonline.net/congo-zaire-lempire-du-crime-permanent-le-massacre-des-etudiants-de-kinshasa/
Mathilde
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